Grégoire d’Agrigente
Saint Grégoire naquit à Prétérium, près d’Agrigente, en Sicile, vers 559, sous l’empereur Justinien. Ses pieux parents, Chariton et Théodote, notables de la ville, confièrent le jeune Grégoire, âgé de huit ans, à son parrain, l’évêque Potamien, pour qu’il reçoive la meilleure éducation dans les lettres sacrées et profanes. Il apprit rapidement à lire et connaissait déjà le Psautier par cœur lorsqu’il fut tonsuré lecteur, à l’âge de douze ans. Doué par nature d’une belle voix, il ravissait tous les assistants lorsqu’il lisait les Saintes Ecritures, dont il pouvait d’autant mieux exprimer le sens, qu’il persévérait jour et nuit à les méditer, en s’aidant du jeûne et de la prière. A l’âge de dix-huit ans, confirmé par une vision, il entreprit de se rendre en pèlerinage aux Lieux Saints, afin de mieux comprendre les mystères de l’Ecriture.
Il arriva d’abord à Carthage (Tunisie), où il rencontra trois moines, venus de Rome, qui lui proposèrent de l’emmener avec eux à Jérusalem. Même en voyage, le jeune garçon ne mangeait qu’une fois tous les deux ou trois jours et s’occupait sans cesse à la méditation de l’Ecriture. Après avoir visité Tripoli et d’autres villes d’Egypte, ils parvinrent à Jérusalem au bout de quatre mois de voyage à pied. Ils vénérèrent avec larmes tous les lieux sanctifiés par la présence de Notre Seigneur, et visitèrent les nombreux moines de la ville et de la région pour recueillir leur bénédiction et leurs enseignements. Ils passèrent le grand Carême dans un monastère, où Grégoire fut l’objet de l’admiration de tous les moines pour son ascèse extrême et sa perfection si précoce dans les vertus d’humilité, de patience et d’attention spirituelle aux suggestions mauvaises.
Pour les fêtes de Pâques, ils se rendirent dans la ville et furent chaleureusement reçus par le patriarche Macaire, qui, l’intelligence illuminée par l’Esprit Saint, révéla l’identité des trois moines: Marc, Sérapion et Léonce; qui avaient jusque-là gardé l’anonymat. Il les remercia chaleureusement d’avoir emmené avec eux Grégoire, ce vase d’élection, et put, pendant ces quelques jours admirer les vertus du jeune homme, en particulier son assiduité à méditer les Saintes Ecritures pendant les longues veilles nocturnes.
Après les fêtes, les trois moines s’embarquèrent pour Rome et s’arrêtèrent en chemin à Agrigente, où ils purent apprendre aux parents de Grégoire et aux habitants de la ville qu’elle était sa conduite angélique. A la Pentecôte, Grégoire fut ordonné diacre par le partiarche Macaire et s’installa pour une année dans un monastère du Mont des Oliviers. Après quoi, il partit pour les âpres combats du désert. Il vécut sous la direction spirituelle d’un vieillard expérimenté dans les luttes du désert pendant quatre ans, au cours desquels il se perfectionna dans les vertus et dans la science théologique, à tel point qu’on lui donna le surnom de second Chrysostome.
De retour à Jérusalem, il servit un an au patriarcat, puis se rendit à Antioche, où il s’installa dans une cellule offerte par le patriarche Eustathe. Sa science et ses vertus firent l’admiration de tous les gens pieux de la ville, mais, n’écoutant que la volonté de Dieu, au bout d’une autre année, il partit pour Constantinople, à la suite d’une vision. Reçu au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, il vivait comme étranger au corps, ne mangeait un peu de légumes que le samedi et le dimanche, et passait toutes ses nuits à prier et à méditer les œuvres de saint Jean Chrysostome (cf. 13 nov.). L’higoumène admiratif parla de lui au patriarche qui décida de mettre à l’épreuve sa connaissance théologique. Les envoyés du hiérarque demandèrent à l’humble Grégoire de leur dire un passage difficile des œuvres de saint Grégoire le Théologien (cf. 25 janv.) et de leur expliquer. Celui-ci le récita alors de mémoire et en donna une lumineuse interprétation. Il devint ainsi un des familiers du patriarche, qui aimait s’entretenir avec lui des saints dogmes pendant des nuits entières. L’hérésie monothélite divisait alors l’Eglise byzantine, mais le saint put convertir un grand nombre d’hérétiques par sa parole et sa connaissance infaillible de l’Ecriture et des saints Pères. Il prit part à un concile réuni par l’empereur Justin II (565-578), où il réfuta avec calme et assurance les arguments des hérétiques.
Honoré aussi par l’empereur et la cour, il partit ensuite pour Rome, où, après avoir vénéré les tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul et des premiers martyrs, il s’installa au monastère Saint-Sabas, de son Père spirituel Marc. A ce moment, Théodore, l’évêque d’Agrigente venait de mourir, et les habitants de la ville ne parvenaient pas à se mettre d’accord pour élire un successeur. Finalement, les partisans des différents candidats décidèrent d’envoyer des représentants auprès du pape, pour qu’il tranchât, quoique la ville et cette partie de la Sicile dépendissent alors du patriarche de Constantinople. Le pape, qui avait été informé par ses représentants au concile de Constantinople de la sainteté de Grégoire, reçut alors une vision lui révélant que ce sage résidait à Rome et qu’il était le seul digne de siéger sur le trône d’Agrigente. Malgré les résistances du saint et sa fuite devant de tels honneurs, il fut finalement consacré. Sur la route vers sa patrie, il accomplit de nombreux miracles, et lors de sa première Liturgie, en présence de tout le peuple en liesse, un évêque qui l’accompagnait vit une colombe se tenir au-dessus du saint.
Le nouvel évêque commença immédiatement son œuvre pastorale. Il réorganisa son diocèse, ordonna diacres et prêtres, visita les paroisses et veilla à l’assistance aux pauvres, ainsi qu’à l’éducation des enfants. Mais le démon jaloux ne le laissa pas longtemps en paix; il excita contre lui l’envie du prêtre Sabin et du diacre Crescens qui répandirent d’ignobles calomnies contre le saint, disant qu’il accomplissait ses nombreuses guérisons par la magie et qu’il était possédé par le démon, puisqu’il ne mangeait et ne buvait pas. Ils payèrent même une prostituée pour qu’elle dise avoir passé la nuit avec le saint. Face à toutes ces grossières accusations, Grégoire, le disciple du très doux Jésus, n’opposa aucune tentative de justification. Il se laissa même enfermer en prison, après avoir retenu le peuple qui voulait prendre violemment sa défense, disant qu’il préférait voir son sang versé plutôt que d’être la cause de quelque violence ou injustice que ce soit.
Transféré à Rome, il resta en prison deux ans et demi avant d’être jugé par un tribunal ecclésiastique, où devaient être présents des envoyés de Constantinople. Encouragé à la patience par l’apparition des saints Apôtres, Grégoire passait dans sa geôle tout son temps en prière, rendant grâce à Dieu de l’avoir jugé digne de souffrir l’injustice et la persécution. « Bienheureux ceux qui endurent persécution à cause de la justice, car le Royaume des cieux est à eux ! Bienheureux serez-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on vous calomniera de toute manière à cause de moi ! » (Mat. 5, 10-11). Lors du jugement, la prostituée appelée à témoigner fut soudain prise de tremblements convulsifs et avoua son mensonge, dénonçant en même temps la perfidie des accusateurs du saint. L’innocence de Grégoire fut solennellement proclamée lors d’une Liturgie à la basilique Saint-Pierre, et le pape condamna Sabin, Crescens et leurs complices à l’exil. Mais Grégoire, incapable de rancune envers ses ennemis, obtint qu’ils puissent retourner à Agrigente, tout en étant exclus des ordres sacrés.
A la demande du pape, saint Grégoire, qui s’était acquis pendant sa captivité une grande réputation de thaumaturge, libéra le Tibre de grands arbres qui en bouchaient la navigation, en les encensant à l’aide de charbons ardents qu’il tenait dans son manteau, sans que celui-ci se consume.
Ayant appris que ses adversaires avaient installé à sa place sur le trône d’Agrigente, Leucius, un hérétique qui avait de surcroît détruit des saintes reliques, Grégoire préféra ne pas être la cause de nouvelles dissensions. Il laissa le pape chasser l’hérétique et régler les affaires ecclésiastiques d’Agrigente, et demanda à être relevé de sa charge. Il gagna alors Constantinople, où après avoir été honoré par l’empereur, il se retira dans la quiétude au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. Quelque temps plus tard, il retourna dans sa patrie apaisée, où il fut reçu par son peuple en liesse et où il poursuivit jusqu’à son bienheureux repos (603) son œuvre pastorale et littéraire.
Kondakion t.4
Des rayonnantes clartés du Saint-Esprit * l'Eglise illumine les fidèles célébrant, * bienheureux et vénérable Père Grégoire, ta radieuse dormition.
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