Acepsimas, évêque, Joseph, prêtre,
et Aithala, diacre ; martyrs
La 37è année de la sauvage persécution contre les chrétiens entreprise par le roi de Perse Sapor II (378-379), les chefs des mages reçurent le pouvoir sur tous les chrétiens pour les torturer et les faire périr s’ils s’obstinaient dans la confession de leur Foi. « Les chrétiens bouleversent notre religion, disaient-ils. D’après eux, il n’y a qu’un seul Dieu Créateur du ciel et de la terre. Ils apprennent à ne pas adorer le soleil, ni à honorer le feu. Ils souillent l’eau par d’horribles purifications (i.e. le baptême) et veulent la fin de notre race en proclamant la supériorité de la virginité sur la procréation des enfants. Et pour comble, ils se révoltent contre le pouvoir universel de notre roi et refusent de le servir ».
C’est à cette occasion qu’on arrêta Acepsimas, l’évêque de la ville de Pakâ et de la région d’Henaitâ. C’était un vénérable vieillard de quatre-vingts ans, d’une grande bonté pour les pauvres et les étrangers. Il montrait aux païens le chemin de la vie par sa parole et son exemple. Il jeûnait et priait sans cesse. Et chaque jour, il versait de si abondantes larmes que la terre où il s’agenouillait en était toute trempée. Comme on l’enchaînait pour l’emmener hors de sa maison, il répondit à ses amis qui se proposaient de s’occuper de ses biens: « Cette maison n’est plus ma maison, cette propriété n’est plus ma propriété. Je ne possède que le Christ, Il est mon gain, le reste n’existe plus pour moi ».
Arrivé à Arbèle et interrogé par le chef des mages, le saint évêque ne chercha à se disculper d’aucune des accusations que l’on portait contre lui. « Je prêche effectivement le Dieu unique et Ami des hommes, afin qu’ils fassent pénitence, qu’ils délaissent les chemins de perdition et adorent le Créateur et non les créatures comme des dieux ». Le mage le fit flageller sans pitié pour son âge et le jeta dans un sombre cachot.
Vers la même époque, on arrêta aussi le prêtre Joseph de Bêt-Katôbâ. C’était un vieillard de soixante-dix ans, zélé pour la Foi comme aux premiers temps de sa conversion et modèle du prêtre.
Le diacre Aithala de la région de Bêt-Nuhadré fut également capturé. Il avait soixante ans, mais encore le verbe tranchant, la réplique vive, l’âme passionnée, le visage avenant. Il brûlait de l’amour de Dieu et aimait le Christ au point de n’attendre que de souffrir pour Lui afin de vivre en Lui.
Ils furent enchaînés et conduits à Arbèle pour y être traduits devant le même chef des mages. Celui-ci les menaça de mort sous prétexte qu’ils abusaient le peuple par leur magie (i.e. les saints Mystères).
Joseph répondit: « Nous ne sommes pas des sorciers, mais nous enseignons aux hommes la vérité, afin qu’ils délaissent les images sans vie pour reconnaître le Dieu vivant ». Le mage répliqua que la vérité ne pouvait se trouver que du côté du roi, des grands et des riches de ce monde, non chez les pauvres et vils chrétiens. Joseph lui dit: « Dieu méprise l’orgueil, la grandeur et la richesse de ce monde. Nous sommes pauvres et vils, mais c’est volontairement. Nous donnons aux pauvres tout ce que nous gagnons à la sueur de notre front, alors que vous les volez. La richesse est éphémère et passe avec cette vie, c’est pourquoi nous n’y attachons pas notre cœur pour mériter la gloire de cette autre terre qui succédera à celle-ci ». L’assurance de Joseph irrita le chef des mages qui le fit écarteler par dix hommes et frapper avec des branches de grenadier pleines d’épines. Alors que tout son corps baignait dans le sang, le saint martyr leva les yeux au ciel et dit: « Je te rends grâces, Christ, Fils de Dieu, de m’avoir jugé digne de ce second baptême qui me purifie de tous mes péchés ».
Ce fut ensuite le tour d’Aithala. Le mage lui dit: « Adore le soleil, bois du sang, prends femme, obéis aux ordres du roi et tu échapperas aux tortures et à la mort qui t’attendent ». Aithala répondit: « Mieux vaut mourir pour vivre que vivre pour mourir éternellement. Notre Maître nous a enseigné à aimer la vie que dans votre ignorance vous appelez mort, et de haïr la mort que vous appelez vie. Tu adores le soleil, car tu es aveugle et ne vois pas la vraie Lumière qui s’est levée au monde et qui fut annoncée jusqu’aux confins de la terre ». On soumit immédiatement l’audacieux à la torture en lui écrasant les membres et le flagellant jusqu’à ce que ses articulations se disloquent. Puis on le jeta dans le cachot où se trouvaient déjà deux autres Confesseurs.
Après cinq jours, on soumit les trois vieillards à un nouvel interrogatoire et à des supplices encore plus cruels, sans toutefois pouvoir ébranler leur courage. Lorsqu’on les remit en prison, ils ressemblaient à des corps sans vie et étaient méconnaissables. A tel point que l’homme le plus dur éclatait en sanglots à voir leur affreux état, lequel devint encore pire après les privations, le froid et l’humilité d’un séjour de trois mois au cachot.
Comme le roi venait à passer dans la province, on fit sortir les détenus pour les soumettre à un nouvel interrogatoire. Le roi les confia au maître des mages qui commandait tout l’Orient. Celui-ci feignit d’avoir pitié de leur vieillesse et les exhorta à obéir au roi pour échapper à la mort. Mais le bienheureux Acepsimas lui dit: « Garde-toi de changer d’attitude à notre endroit. Ne te fais pas d’illusion, jamais nous n’obéirons au roi. Active tes ordres, que ce soit pour la mort ou pour la torture. Tu pourras éprouver notre vieillesse avec les supplices qui te plairont. Notre patience est inlassable en Celui qui nous fortifie. C’est à travers notre épreuve que la Vérité que nous proclamons sera plus clairement manifestée. Nos corps t’appartiennent, mais nos âmes sont à Dieu. Fais donc vite ce que tu as à faire ». On le frappa avec rage et on l’écartela. Mais le Saint, comme étranger à son propre corps, priait les yeux tournés vers le ciel. Il mourut ainsi sous les coups sans que ses bourreaux s’en aperçoivent, si bien qu’ils continuèrent longtemps à s’acharner sur son corps mort.
Après lui, ce fut le tour du bienheureux Joseph. On le soumit à d’atroces mais inutiles tortures et on finit par le jeter au-dehors, en le croyant mort.
Lorsqu’on amena Aithala devant le juge, celui-ci n’avait rien perdu de son assurance au spectacle des souffrances de ses Compagnons. Il s’écriait: « Je persévère dans la vérité et je n’écouterai pas le roi, l’ennemi de tout ce qui est grand et beau. Tes tourments ne sont pas assez horribles, homme cynique et impuissant ! Si tu disposes de nouveaux bourreaux, amène-les pour affermir mon âme et fortifier mon corps ». Comme il voyait que les supplices ne faisaient que renforcer l’ardeur des martyrs et que la mort était pour eux une délivrance, le chef des mages imagina une occasion d’outrager par eux le Corps du Christ. Il décida que les deux confesseurs Joseph et Aithala seraient lapidés par leurs propres coreligionnaires. Il ordonna qu’on s’empare partout des hommes et des femmes chrétiens que l’on pourrait trouver. Ceux-ci effrayés allèrent se cacher dans les montagnes de peur de verser le sang innocent.
Avant de procéder à l’exécution, on leur proposa encore de feindre d’avoir renié, en buvant du jus de raisin à la place de sang et en mangeant de la viande ordinaire qui n’avait pas été offerte en sacrifice aux idoles. Mais les Saints s’exclamèrent: « Dieu nous garde de souiller nos cheveux blancs et de dissimuler notre Foi à des hommes fourbes. Nous nous garderons bien d’accepter la vie de vos mains. Votre puissance a brisé notre corps, mais vous ne pouvez pas arracher à notre âme son espérance indestructible, ni la résurrection qui nous est promise, alors que vous vous préparez pleurs et grincements de dents pour l’éternité ». L’impie leur dit: « Et de quelle peine me récompenserez-vous alors ? ». Les bienheureux répliquèrent: « Dans l’autre monde, personne n’aura à rendre le bien pour le mal. Mais dans ce monde, nous prions pour toi, conformément à ce que nous a ordonné le Seigneur en disant: ‘‘Bénissez ceux qui vous maudissent, faites le bien à ceux qui vous persécutent’’ (Mat. 5, 44). Nous le prions pour que tu te convertisses à Dieu, qu’Il ait pitié de toi et que tu reconnaisses qu’il n’en est pas d’autre en dehors de Lui ».
La rage du chef des mages ne connut plus de bornes devant la magnanimité des martyrs, il leur fit subir de nouvelles tortures et ordonna que les chrétiens qu’on avait capturés en foule, les lapident. Ce fut d’abord le tour de Joseph. Les pierres pleuvaient, le sang et la cervelle du martyr se mélangèrent en se répandant à terre. Il fut bientôt enseveli sous les pierres et comme il ne mourait pas, un soldat lui fracassa la tête avec une grosse pierre.
Quelques jours plus tard, on conduisit Aithala dans un grand village de la région de Bêt-Nuhadré, on y rassembla de force les chrétiens sur la place centrale et on les contraignit à jeter des pierres sur le vieillard. Il mourut ainsi recouvert d’un monceau de pierres. Les jours suivants, un myrte poussa soudainement à l’endroit de l’exécution et pendant cinq ans, les habitants de la région y trouvèrent la guérison de toutes sortes de maux.
C’est avec le martyre des saints Acepsimas, Joseph et Aithala, que prit fin la grande persécution qui avait commencé quarante ans auparavant avec l’exécution de saint Siméon de Perse et de ses Compagnons (cf. 17 avr.).
Troparion t.4
Tes Martyrs, Seigneur, pour le combat qu’ils ont mené * ont reçu de toi, notre Dieu, la couronne d’immortalité ; * animés de ta force, ils ont terrassé les tyrans * et réduit à l’impuissance l’audace des démons ; * par leurs prières sauve nos âmes, ô Christ notre Dieu.
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