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Léonard, ermite à Noblac en Limousin,
patron des prisonniers

 

 

Après saint Martial (cf. 30 juin), l’apôtre de l’Aquitaine, que la dignité de l’apostolat place au premier rang, le Saint qui a jeté le plus d’éclat sur le diocèse de Limoges, est sans contredit saint Léonard, le patron des prisonniers. Il naquit de parents illustres dans la province des Gaules, et dans cette partie des Gaules qui commençait à s’appeler la France, du temps de l’empereur Anastase, c’est-à-dire vers la fin du Vè siècle. L’auteur anonyme qui a raconté sa vie, n’indique pas d’une manière plus précise le lieu qui le vit naître; mais plusieurs écrivains du moyen âge le font originaire de l’Orléanais, et quelques historiens de cette province vont jusqu’à désigner pour lieu de sa naissance, le village de Corroy, dans la paroisse d’Ormes, près d’Orléans(1).

Il était de la nation des Francs, et ses parents, qui résidaient à la cour de Clovis, possédaient les plus hautes dignités dans le palais du roi, et occupaient le premier rang parmi les officiers de son armée. Quand Clovis, abjurant les erreurs du paganisme, courba la tête à la voix de saint Remi (cf. 13 janv.), pour adorer ce qu’il avait brûlé, et brûler ce qu’il avait adoré, ce prince, à cause de la tendre amitié qu’il avait pour les nobles parents de Léonard, voulut retirer leur enfant de la fontaine sacrée du baptême.

Parvenu à l’âge de l’adolescence, Léonard aurait pu, fidèle à ses traditions de famille, figurer avec honneur, selon la coutume de ses parents, dans les armées d’un roi de la terre. Il aima mieux s’enrôler dans la milice du roi du ciel. La pauvreté et l’humilité de Jésus Christ ne sont-elles pas un trésor préférable aux richesses et aux dignités de ce monde ?

Touché de l’Esprit de Dieu, il s’appliqua à marcher sur les traces de saint Remi, le Samuel (cf. 20 août) de la monarchie française. C’est cet illustre apôtre des Francs qu’il eût pour premier maître dans les voies du salut. Ce qu’il fit de progrès dans cette étude, sa sainteté le déclara plus tard. Disciple fervent, il prêtait une oreille attentive à l’enseignement de son maître, recueillait ses salutaires conseils, et gardait précieusement dans le secret de son cœur, ces trésors de doctrine qu’il devait lui-même dispenser à d’autres. Cette vertu naissante présageait déjà la sainteté; car on connaît aux goûts d’un enfant, ce que doivent un jour être ses œuvres, et il est écrit que le jeune homme suivit pendant sa vie, la voie qu’il aura prise dans sa jeunesse, et que même vieux, il ne s’en écartera pas. Aussi, le saint évêque de Reims, témoin des vertus de son disciple, n’hésita pas à lui ouvrir les rangs de la milice sacrée, et à lui conférer la tonsure cléricale.

D’après le témoignage de l’auteur anonyme qui a écrit l’ancienne Vie de saint Léonard, saint Remi, usant de l’influence que lui donnait sa sainteté, aurait persuadé aux rois de France de porter, en l’honneur de Dieu, un édit royal en vertu duquel, toutes les fois qu’ils entreraient dans la ville de Reims, ou qu’ils passeraient dans le voisinage, tous ceux qui seraient alors détenus dans les prisons ou chargés de chaînes, seraient rendus à la liberté(2). A l’imitation de son maître, Léonard, fidèle disciple de saint Remi, demanda humblement au roi que tous ceux qui seraient enfermés dans des cachots, seraient remis en liberté si, quand il les visiterait, il les jugeait dignes de cette grâce. Le roi lui accorda avec bienveillance cette insigne faveur. Heureux de ce privilège, dès que Léonard apprenait qu’il y avait quelque part de malheureux prisonniers, il y accourait aussitôt, et s’appliquait de toutes ses forces à procurer leur délivrance.

Déjà la renommée de sa bonté faisait de tels progrès dans toute la Gaule, qu’un grand nombre de malades, attirés vers lui par l’espoir de la guérison, venaient le trouver pour qu’il leur procurât la santé par ses prières. Et il les guérissait en effet en invoquant sur eux le Nom du Seigneur. Non seulement il leur distribuait des aumônes pour entretenir la vie du corps; mais, sachant que l’homme ne vit pas seulement de pain, et que la Parole divine est pour son âme un aliment nécessaire, d’ailleurs se souvenant du proverbe sacré, qu’une bonne parole est meilleure qu’une aumône, il montrait à ces pauvres affligés les avantages de la patience chrétienne, et procurait à leur âme ces consolations ineffables que donne la Parole divine quand elle est annoncée par un homme de Dieu. Fidèle et véritable dans ses promesses, libéral et magnifique dans ses aumônes, modeste quand il rendait compte de ses œuvres, loin de se prévaloir de sa haute naissance. Il se faisait petit avec les pauvres; il s’abaissait volontiers pour les secourir; et, à voir son maintien si humble et sa tête inclinée, on aurait dit, non pas qu’il descendait d’une noble famille, mais qu’il était sorti de la plus obscure condition. L’humilité de son extérieur, de sa démarche, de son regard, rappelait ce que saint Paul (cf. 29 juin), dans son divin langage, nomme « la modestie de Jésus Christ ».

Pendant que Léonard, à l’école de saint Remi, méditait jour et nuit sur la loi de Dieu, et alimentait par cette méditation le feu sacré qui brûlait dans son âme, la bonne odeur de ses vertus se répandait au loin, et les peuples publiaient à l’envie ses louanges. Le roi de France lui envoya des députés pour le prier de venir à la cour; et, quand il fut en sa présence: « Léonard, homme de Dieu », lui dit-il, « je vous prie de considérer toujours mon palais comme votre demeure; je veux que vous restiez ici, près de moi, jusqu’à ce que je vous procure les dignités de l’Eglise et les honneurs de l’épiscopat, jusqu’à ce que je puisse ceindre votre front de la mitre pontificale, dont vous êtes digne » (3).

Léonard, qui n’était alors que simple clerc, humble et pieux, se garda bien d’accueillir ces flatteuses promesses, et d’accepter ce brillant fardeau. Il répondit au prince: « Si j’avais voulu, selon la coutume de mes parents, servir dans l’armée des rois de France, je sais très bien, ô mon roi, que je n’aurais pas occupé le dernier rang à votre cour; mais j’ai mieux aimé servir mon Dieu dans une condition obscure, que de servir un roi de la terre en m’élevant aux dignités, et en vivant au milieu des honneurs. Donnez, prince, à ceux qui le désirent, la mitre pontificale. Pour moi, je me contenterai de louer le Nom du Seigneur en menant la vie solitaire. Ce n’est pas, ô grand roi, que je veuille blâmer ceux qui acceptent la charge de l’épiscopat; mais je vous répète ce que j’ai déjà dit: j’aime mieux vivre ignoré dans la maison de Dieu que d’habiter dans le palais des princes de ce monde ».

Après avoir refusé les dignités et tous les honneurs temporels que lui promettait le roi, il partit. Le long de la route, agriculteur céleste, il semait la parole de Dieu. C’est en exerçant cette fonction sacrée qu’il arriva à Orléans. Non loin de cette cité, un homme vénérable, nommé Maximin (cf. 15 déc.), dirigeait le monastère de Micy(4), où florissaient alors, sous sa conduite, plusieurs religieux que l’Eglise a placés depuis sur les autels. Léonard resta quelque temps dans ce monastère; et l’on comprend que, à cette école de piété, il dut s’élever de vertus en vertus, et se former aux pratiques les plus saintes de la vie monastique.

L’ancienne vie de saint Léonard n’entre dans aucun détail sur ce qu’il fit pendant son séjour à Micy. Mais une autre légende du Moyen Age, conservée autrefois au monastère de Meung, rapporte à ce sujet, quelques faits que nous ne pouvons pas passer sous silence. Cette légende raconte que l’abbé de Micy, saint Maximin (cf. supra), voyant les vertus et les progrès spirituels de son disciple, le conduisit à Orléans et le présenta à Eusèbe, évêque de cette ville, afin qu’il reçût des mains de ce pontife l’ordre sacré du diaconat. « Reçois l’Esprit Saint », lui dit l’évêque en imposant la main droite sur sa tête, « reçois le don de force, pour résister au démon et à tous ses assauts, au Nom du Seigneur ! ». Léonard accepta, par obéissance, ce degré inférieur du ministère ecclésiastique; mais il ne voulut pas monter plus haut dans la hiérarchie sacrée, lui qui avait dit à un roi que toute son ambition était de vivre ignoré dans la maison du Seigneur.

D’anciens écrivains sont garants de cette tradition: Bernard Guidenis, qui écrivait dans les premières années du XIVè siècle, dit que saint Léonard fut diacre, et non pas prêtre. Cette légende du monastère de Meung dit encore que, un jour de Noël, Léonard, chargé d’assister saint Maximin au saint sacrifice, se rendait à l’église pour remplir ses fonctions de diacre, portant à la main, dans un petit vase, le vin qui devait être offert à l’autel. Un pauvre se présente à lui, fatigué, haletant, et lui demande ce vin au Nom de Jésus Christ. Léonard se rappelle la parole du Sauveur: « J’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire » (Mt. 25, 35); et, sans hésiter, il donne au pauvre le vin qu’il portait. Le pauvre lui dit de puiser de l’eau dans une fontaine qui était proche, et le Sauveur, voulant récompenser la foi et la piété de Léonard, renouvelle en sa faveur le premier miracle qu’il opéra dans sa vie apostolique; et l’eau que le saint jeune homme avait puisée fut changée en un vin exquis qui fut offert à l’autel.

Léonard ayant connu, par une révélation de l’Esprit Saint, qu’il ne devait pas rester dans ce monastère, mais qu’il devait diriger ses pas vers la contrée de l’Aquitaine, sortit du monastère. En traversant la province de Bourges, où se trouvaient encore des païens, il ne se cachait nullement par crainte de la mort; mais, comme un soldat intrépide, ceint des armes de la Foi, il exaltait le Nom du Seigneur, autant qu’il le pouvait, par ses paroles et par ses œuvres; et le Seigneur, qui glorifie par le don des prodiges, ceux qui le glorifient par leur sainteté, confirmait sa prédication par d’éclatants miracles. Il mettait les démons en fuite, il rendait l’ouïe aux sourds, la vue aux aveugles, la marche aux boiteux, la santé à tous les infirmes qui avaient recours à lui. Mais ce n’était pas encore là que Dieu l’appelait. Après avoir opéré de tels prodiges, l’athlète du Christ, armé du casque du salut et du bouclier de la Foi, continua sa route, et, quittant la province de Bourges, il dirigea ses pas vers les montagnes du Limousin. Il cherchait un ermitage où il pût vivre complètement séparé du monde, et se donner tout entier à Dieu.

A cette époque, la province du Limousin était en grande partie inculte et couverte de forêts; abandonnée des hommes, elle était éminemment propre à la vie solitaire: aussi était-elle un point de ralliement pour quelques âmes d’élite que l’Esprit de Dieu poussait à se séparer du monde. A une distance de dix milles, ou quatre lieues environ, de Limoges, du côté du soleil levant, on trouve, en remontant les rives escarpées de la Vienne, une montagne qui était autrefois couverte d’une forêt épaisse et remplie de bêtes fauves, appelée la forêt de Pauvain (Pavum). En arrivant dans ce site à l’aspect sauvage, le bienheureux Léonard trouva ce lieu favorable à son pieux dessein: « C’est là que j’habiterai », dit-il avec le Prophète, « c’est là le lieu que je choisis pour ma demeure ! » (Ez. 43, 7). Il se construisit une cellule avec des branchages entrelacés; et, plus riche dans sa pauvreté que les potentats de ce monde, en possédant Dieu, il possédait l’univers.

Là, vivant de racines et de fruits sauvages, il s’adonnait librement à la prière, à la méditation, à la mortification; et il charmait son exil en chantant les douceurs de cette loi qui sanctifie les âmes. Au milieu de cette nature silencieuse et recueillie, rien n’empêchait l’ascension de son cœur vers Dieu: tout au contraire élevait sa pensée vers le ciel. Autant le tumulte et les bruits du monde avaient inspiré à son âme un profond dégoût, autant la solitude de cette montagne remplissait son cœur d’une joie pure et profonde. Il avait lu dans les saints Livres qu’il faut prévenir le soleil pour bénir Dieu, et les premières lueurs de l’aube le trouvaient agenouillé dans la prière. La nuit, il pensait à la beauté de Dieu en contemplant les étoiles, et il s’écriait avec le prophète-roi: « Je verrai vos cieux, l’ouvrage de vos mains; la lune et les étoiles, que vous avez créées ! Qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui ? Qu’est-ce que le fils de l’homme que vous ayez daigné le visiter ? » (Ps. 8, 4-5). Et quel charme, quelle suavité dans ces entretiens prolongés avec Dieu et dans ces nuits passées dans la prière !

En face de l’ermitage de Pauvain, de l’autre côté de la Vienne, un château dont on voit encore les vestiges, s’élevait sur le sommet d’une montagne escarpée, et dominait les vallées profondes que la rivière a creusées, et où elle dessine son cours sinueux. Comme les anciens rois du pays et les ducs d’Aquitaine avaient coutume d’aller chasser dans la forêt de Pauvain, on avait bâti autrefois sur cette montagne, qui domine la forêt, une maison royale qui leur servait de résidence. Le roi venait chaque année dans ce château avec les officiers de sa suite, et son épouse l’accompagnait souvent. Dans un de ces voyages, et pendant le séjour qu’elle faisait dans la résidence royale, la reine fut tout à coup surprise de douleurs de l’enfantement. Leur violence fit craindre pour ses jours, et bientôt l’on désespéra de la sauver. Le roi, triste et justement inquiet, eut promptement recours aux médecins les plus habiles; mais ils épuisèrent toutes les ressources de l’art, sans pouvoir procurer de soulagement à l’auguste malade. Tous les amis du prince étaient dans la plus grande tristesse en voyant que la reine allait mourir si misérablement. Les nombreux serviteurs, à l’intérieur et en dehors du palais, laissaient éclater leur douleur par des clameurs plaintives; et la montagne et les vallées voisines retentirent de cris lugubres et de longs gémissements.

Pendant que les cris de douleur s’élevaient vers le ciel, Léonard, sorti de son ermitage, traversait en priant les sentiers de la forêt. Il s’arrête, il prête l’oreille, il entend ces gémissements de deuil, et, touché de compassion, il veut en connaître la cause. Il se détourne donc de sa route, et, traversant la Vienne, il dirige ses pas vers la résidence royale, située sur la montagne d’où partaient ces clameurs et ces cris plaintifs. Aussitôt que les courtisans l’aperçurent, ils allèrent sans délai l’annoncer au prince. Le roi sortit aussitôt pour aller à sa rencontre, et il l’introduisit dans le château. En voyant le visage du pieux ermite transfiguré par la sainteté et la pénitence, il crut aussitôt à la puissance de sa prière, et il eut pleine confiance en sa bonté. Il se jeta à ses pieds, et lui demanda son appui au milieu de l’immense tristesse qui l’accablait. Le spectacle de cette douleur royale, de ces soupirs et ces sanglots, émut le cœur de Léonard, si enclin de lui-même à la pitié. Il releva le prince, et, suivis de quelques officiers du palais, ils entrèrent ensemble dans l’appartement de la reine. Alors, élevant les yeux au ciel, Léonard adressa à Celui qui tient en ses mains les clés de la vie et de la mort, une prière fervente qui fut aussitôt exaucée.

Pénétré de gratitude, le roi fit apporter des vases d’or et des coupes d’argent, des vêtements de pourpre tissus d’or, d’autres ornements en grand nombre, et les fit offrir au saint ermite comme un don de sa reconnaissance. Mais le vaillant soldat du Christ, pour qui le monde avec toutes ses pompes était crucifié, méprisait trop les richesses du siècle pour accepter ce présent royal. Il demanda seulement au roi une partie de la forêt, et le prince confirma aussitôt cette donation par un décret royal.

Au milieu de cette forêt solitaire que le roi lui avait donnée, Léonard construisit un oratoire en l’honneur de la Vierge Marie(5). Au côté gauche de cet oratoire, il plaça un autel, dédié à saint Remi, son bienfaiteur et son père dans la Foi, qui, depuis quelques années, avait reçu dans le ciel la palme due à ses mérites. Ainsi ce sanctuaire était consacré à l’amour filial et à la reconnaissance.

Le bienheureux Léonard vécut longtemps dans cette forêt, ne donnant à son corps que la nourriture qu’il ne pouvait lui refuser, se macérant de jeûnes, et passant sa vie dans les veilles et les prières. Il s’associa deux religieux de vie édifiante et de mœurs exemplaires, afin que, lorsqu’il s’absentait de son ermitage pour aller prier au tombeau des Saints, les divins Mystères fussent célébrés sans interruption dans l’oratoire dédié à la Vierge Marie(6). Il avait en effet la louable habitude d’aller souvent en pèlerinage à la basilique du saint pontife Martial (cf. 30 juin), et il ne voulait pas que son église restât solitaire lorsque lui-même se rendait quelque part pour prier.

Comme l’oratoire de saint Léonard était éloigné d’un mille environ de la rivière de Vienne, les deux religieux Compagnons de sa solitude trouvaient de la difficulté à y descendre chaque jour pour y puiser de l’eau. Cette rivière roule ses flots rapides au bas de la vallée, tandis que l’oratoire était situé au sommet de la colline. C’est pourquoi ils prièrent un jour saint Léonard de leur procurer, près de leur église, une source où ils pourraient puiser plus facilement l’eau dont ils avaient besoin. Ils avaient confiance en la sainteté de leur maître, ils croyaient à sa puissance auprès de Dieu, et ils savaient que le Seigneur ne dédaigne pas d’opérer en faveur de ses enfants, des miracles qui font éclater sa bonté. Touché de leur prière, l’homme de Dieu fit creuser, non loin de l’oratoire, une fosse en forme de puits, et, debout en face de la citerne vide, il invoqua le Nom du Seigneur, et sa prière fut aussitôt exaucée. Léonard changea le nom de Pauvain, que portait cette forêt. En mémoire de la donation royale, il voulut que ce lieu s’appelât désormais Noblac, parce que, dit l’auteur de la légende, c’était le présent d’un très noble roi(7).

Quoique le saint ermite aimât à mener une vie retirée et solitaire; quoiqu’il eût pour règle de s’éloigner de la foule, et d'éviter le concours du peuple, toutefois Dieu, qui veut être glorifié dans ses Saints, et qui se plaît à opérer par leurs mains des merveilles au milieu des nations, attirait les peuples vers Son pieux serviteur. Par l’influence secrète du ciel, on voyait accourir vers lui des foules nombreuses de malades, que la grâce du Dieu Tout-Puissant guérissait par sa main. La réputation de sa sainteté se répandait dans toute l’Aquitaine; elle s’étendait au loin dans la Bretagne, et pénétrait même jusque dans la Germanie.

Dieu glorifiait tellement son pieux serviteur que si quelqu’un, détenu en prison, invoquait le nom de Léonard, aussitôt il voyait ses chaînes se rompre, il était libre, et personne n’osait mettre d’entraves à sa liberté. Un grand nombre de ces prisonniers, partis de pays lointains, et délivrés par lui du cachot ou des fers, venaient en Aquitaine, et demandaient en quel lieu demeurait le bienheureux Léonard. Bien plus, ils apportaient avec eux leurs fers et leurs chaînes pesantes, et, tombant à ses pieds, les lui présentaient pour lui en faire hommage. La plupart voulaient demeurer auprès de lui, s’offrant à être ses serviteurs, et lui promettant d’en remplir fidèlement tous les devoirs. Mais l’homme de Dieu, qui se regardait comme le serviteur de tous, leur distribua une partie de sa vaste forêt, afin que, en la défrichant, et en s’adonnant aux travaux de l’agriculture, ils ne fussent plus exposés à se livrer, comme autrefois, à des habitudes de rapine, et à être enfermés de nouveau dans d’obscurs cachots.

A l’exemple du divin Maître, plein de compassion et de bonté, saint Léonard accueillait avec mansuétude tous ces malheureux captifs. Il les encourageait dans le bien par ses prédications évangéliques; et tous ceux qui venaient à lui, accablés de diverses infirmités, il les guérissait par ses saintes prières, et les nourrissait chaque jour de sa parole pleine de suavité. Il se plaisait au milieu d’eux comme un père au milieu de ses enfants, donnant des vêtements à ceux qui étaient nus, des aliments à ceux qui avaient faim, leur procurant avec libéralité tout ce qui leur était nécessaire. Auprès de leur pieux libérateur, tous ces anciens prisonniers, désormais affranchis de la servitude du péché, plus triste mille fois que la captivité corporelle, recouvraient une liberté infiniment plus précieuse, la liberté des enfants de Dieu. C’est qu’il leur faisait comprendre cette grande parole du Sauveur: « Si le Fils de Dieu vous rachète de la servitude du péché, vous serez vraiment libres » (Jn. 8, 31,36). Ainsi le pieux solitaire réhabilitait par la religion ces hommes que la justice humaine avait flétris; il les transformait par le travail et la prière(8).

Comme le bruit de tant de merveilles opérées par l’homme de Dieu ne cessait d’être porté en France par les voix de la renommée, plusieurs membres de sa famille et de sa parenté, quelques-uns de ses anciens serviteurs, vendirent leurs domaines et leurs autres possessions, et vinrent, avec leurs femmes et leurs enfants, jusque dans la forêt où était la cabane du saint ermite. Celui-ci les ayant regardés avec étonnement, et les ayant reconnus: « Comment ! » leur dit-il, « je me suis éloigné de vous, et vous m’avez suivi !... Ah ! puissiez-vous me suivre ainsi dans la gloire du paradis ! ». Dès qu’ils reconnurent sa voix, ils se prosternèrent devant lui, la face contre terre: « Père vénérable », lui dirent-ils, « nous sommes à vous, et, si vous le permettez, nous ne nous séparerons jamais de vous. Montrez-nous vos voies, enseignez-nous vos sentiers ». « Fils bien-aimés », leur répondit-il, « je vous redirai ces paroles du prophète David, et je vous engage à les graver profondément dans votre cœur: ‘‘J’ai été jeune, et je suis devenu vieux; et jamais je n’ai vu le juste abandonné, et ses enfants réduits à mendier leur pain’’ (Ps. 37, 25). ‘‘Craignez donc le Seigneur, et honorez ses Saints: car l’indigence n’atteindra jamais ceux qui le craignent. Les riches sont tombés dans l’indigence, et ont ressenti la faim; mais ceux qui recherchent le Seigneur ne manqueront jamais d’aucun bien. Ecoutez-moi donc, ô mes enfants, et je vous apprendrai la crainte du Seigneur’’ (Ps. 34, 10-12). Dieu vous a retirés loin du tumulte des foules et du tourbillon du siècle, afin que, demeurant avec moi dans cette solitude, vous viviez saintement dans la justice et la paix. Car il est écrit: ‘‘La médiocrité vaut mieux pour l’homme juste que les grandes richesses des pécheurs’’ (Ps. 37, 16-17); et encore: ‘‘Une bouchée de pain sec mangée dans la joie d’une conscience pure, vaut mieux qu’une maison pleine d’abondance où règnent les querelles et les divisions’’ (Prov. 17, 1) ».

Après ces paroles de salut et cette douce prédication, il leur distribua sept portions de sa forêt, car il y avait sept familles. Et il leur disait encore: « L’homme naît pour travailler, comme l’oiseau pour voler. Travaillez donc de vos propres mains comme l’ont fait les saints Apôtres, afin de vous procurer ce qui est nécessaire à votre subsistance, et de pouvoir par surcroît secourir les indigents, et faire des largesses aux pauvres au Nom de Jésus Christ. Retenez bien ceci, et n’oubliez jamais cette recommandation suprême: vivez toujours dans une parfaite tranquillité. Si quelqu’un osait vous contrister sans cause, vous ou vos successeurs, j’ai obtenu du Seigneur qu’il soit arraché avec les siens de la terre des vivants ».

La multitude des fidèles, venus des contrées voisines ou des régions lointaines, n’avait d’autre désir que de rester toujours auprès de lui; et saint Léonard, avec sa piété pleine de charmes, avec sa charité digne de tout éloge, les environnait de son affection, les protégeait, les encourageait. Il était l’appui des faibles, le médecin des infirmes; et, par ses vertus et sa sainteté éminente, il brillait dans le temple de Dieu comme l’étoile du matin. C’est ainsi que cette colonie chrétienne, dirigée par un pieux solitaire, formait déjà, au milieu des bois, une bourgade naissante. Plus tard cette bourgade prendra de l’accroissement, et, s’environnant d’une enceinte de murailles, deviendra une cité industrieuse, qui, reconnaissante, se glorifiera de porter le nom de son père bien-aimé.

Saint Léonard passa tous les jours de sa vie dans la crainte de Dieu et dans l’exercice des vertus évangéliques. Il marcha sans tache dans les voies du Seigneur; il s’avança de vertus en vertus, et servit son Créateur sans mériter un reproche. Il combattit vaillamment en noble athlète du Christ ! et, dans cette lutte, il remporta de glorieuses victoires. Il resta fidèle jusqu’à la mort, et mérita ainsi la couronne de vie. Enfin l’heure arriva où celui qui avait été le libérateur de tant de captifs, allait être délivré de sa prison terrestre. La mortification et les jeûnes fréquents l’avaient accoutumé à voir la mort de près. Il la vit venir en lui disant comme saint André (cf. 30 nov.) à la croix: « Ô mort si longtemps désirée, je te salue ! ». Sentant approcher son heure, il se fit porter dans l’oratoire dédié à Marie, afin de mourir entre les bras de sa Mère. Couché sur cette terre sacrée, il levait les yeux vers le ciel. Son visage vénérable, amaigri par les veilles et les privations, rayonnait de cette auréole de joie qu’on voit briller sur le front des Saints. Ses disciples, versant des larmes de piété filiale, se penchaient près de lui pour recueillir ses dernières paroles. Enfin, il exhala sa belle âme le 8 des ides de novembre (6 novembre), dans la seconde moitié du VIè siècle.

Après que son âme sainte eut été portée dans le ciel par des anges, son corps fut enseveli par la troupe des fidèles dans la petite église qu’il avait bâtie lui-même en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie. Le Seigneur, qui lui avait accordé le don des miracles pendant sa vie, lui continua ce pouvoir après son trépas. Nous allons en rapporter quelques-uns :

Le 6 mai 1611, Vincent Aubrousse, né dans le diocèse d’Autun, se trouvant à Ostie, en Italie, fut pris par les Turcs. Ces farouches ennemis le conduisaient déjà à leurs vaisseaux avec quatorze autres prisonniers, dont ils comptaient faire aurant de forçats. Chemin faisant, Aubrousse se recommandait à Dieu, à la Sainte Vierge et à saint Léonard, duquel il avait entendu raconter mille prodiges en faveur des captifs. Comme il se souvint d’avoir passé quelquefois, en revenant de Limoges, par la ville qui porte le nom de ce Saint, et où on vénère ses reliques, il se mit à genoux, le conjura d’intercéder pour lui auprès de Dieu, et de le délivrer des mains de ces ennemis du nom chrétien. Sa foi fut aussitôt récompensée. Il devint tellement immobile qu’il fut impossible aux Turcs de le déplacer du lieu où il était; et, après bien des efforts inutiles, ils furent obligés de l’abandonner.

Dès qu’ils furent partis, il se leva avec la plus grande facilité, et s’en alla à Rome faire au pape Paul V, le récit de ce qui venait de lui arriver. Le souverain pontife l’écouta avec bonté, et lui fit expédier un bref d’indulgences, qu’il lui enjoignit de porter à Saint-Léonard. Aubrousse exécuta les ordres du pape le 22 février de l’année suivante (1612), et il lui en fut donné acte à l’hôtel de ville, par-devant les consuls et les principaux habitants.

Louise de Lorraine, princesse de Ligne, étant attaquée d’une espèce de paralysie, se voua à saint Léonard, et fut aussitôt guérie. En reconnaissance de cette faveur, elle fit présent à la chapelle du Saint, à Raches, d’une belle table d’autel qu’on y voyait encore avant la Révolution.

Louise de Mauville et Marguerite de Maulde, religieuses de l’abbaye de Marquette, près de Lille, paralytiques l’une et l’autre, et percluses de tous leurs membres, y obtinrent la même faveur: la première, le 24 avril 1606; la seconde, le 22 janvier 1607.

En 1653, Isabelle-Sabine Bullard, religieuse augustine d’Arras, dont la jambe gauche, par une violente contraction de nerfs, s’était rempiée jusqu’à l’épaule, se fit appliquer pendant six mois tous les remèdes imaginables sans éprouver aucun soulagement. Enfin, elle ordonna qu’on la portât à cette chapelle de Saint-Léonard, où elle entendait dire que s’opéraient tous les jours tant de guérisons miraculeuses. Elle y trouva une guérison si prompte et si parfaite, qu’elle retourna à pied dans son couvent.

En 1659, il survint à un jeune homme de Lille, nommé Barthélemy Caulié, un accident qui le rendit tellement boiteux, qu’il ne pouvait plus marcher qu’à l’aide de deux béquilles. Il s’adressa d’abord aux chirurgiens les plus habiles du pays; mais, n’en ayant reçu aucun secours, il mit toute sa confiance en saint Léonard, bien persuadé que son intercession serait bien plus efficace que les remèdes humains. Sa Foi fut récompensée par un miracle: il obtint ce qu’il avait espéré.

La ville de Liège fut témoin d’un prodige célèbre, opéré par l’intercession de saint Léonard le 25 février 1605. Sur la paroisse de Sainte-Marguerite, située dans un des faubourgs, demeuraient Erasme Augustin et Léonarde de Lewe, son épouse, qui avaient un fils, âgé d’environ dix ans, tellement affaibli, depuis six ou sept mois, par un flux de sang, qu’il ne pouvait ni marcher ni même se remuer qu’à l’aide de deux potences. Abandonné des médecins et des chirurgiens les plus habiles, qui avaient déclaré son mal incurable, cet enfant dit un jour à sa mère qu’il voulait aller en pèlerinage à l’église de Saint-Léonard. Surprise de ce propos, sa mère commença par lui représenter l’éloignement de l’église et la rigueur de la saison, comme des obstacles qui s’opposaient à son pieux désir. Puis elle lui demanda quelle raison il avait de faire un voyage si difficile, lui qui n’avait jamais entendu parler de ce Saint ni de ses miracles. Il répondit qu’il croyait y recouvrer certainement la santé. Ses parents regardèrent ce dessein comme une inspiration du ciel, et lui permirent de l’exécuter. Sa sœur, âgée de douze ans, fut chargée de l’accompagner dans ce pèlerinage.

Appuyé sur ses potences, cet enfant se met en chemin, et il arrive avec bien de la peine à l’église de Saint-Léonard. Lorsqu’il y fut entré, et que sa sœur eut montré l’image du Saint, il alla en faire le tour, suivant la coutume observée par les pèlerins, en disant de tout son cœur: « Seigneur, rendez-moi l’usage de mes jambes. Bon saint Léonard, intercédez pour moi ! ». Puis, s’étant mis à genoux, et répétant plusieurs fois la même prière, il tomba dans une si grande faiblesse que sa sœur fut obligée d’appeler du secours pour le relever. Il ouvrit des yeux baignés de larmes, et, les portant sur un crucifix, il demanda qu’on le conduisît près de l’image du Sauveur. A peine s’y fut-il mis à genoux en prononçant sa prière accoutumée, qu’il sentit revenir ses forces, et ses jambes se consolider. Enfin, ayant été mené de nouveau par sa sœur autour de l’image de saint Léonard, il s’écria qu’il n’avait plus besoin de potences, et il les fit suspendre en ce lieu. Et il s’en retourna sans aide et parfaitement guéri dans sa maison, au grand étonnement de ses parents et de ses voisins, qui connaissaient sa situation précédente.

Ce miracle, si propre à confondre les iconoclastes et les hérétiques des derniers temps, fit grand bruit dans la ville de Liège. On en fit une information juridique, et, comme tout concourait à en constater la vérité, il fut reconnu authentique par les supérieurs, qui ordonnèrent qu’on en rendrait d’éclatantes actions de grâces, tant dans l’église de Saint-Léonard, que dans celle de Sainte-Marguerite, par la célébration de l’office divin et une procession solennelle, à laquelle cet enfant assista nu-pieds, revêtu d’un surplis et un cierge à la main.

Les peintres et les sculpteurs, fidèles interprètes de la tradition, ont continué de le représenter revêtu d’une dalmatique de diacre. — Dans l’église de Saint-Léonard, il est représenté en diacre, tenant à la main des ceps, symbole de la protection qu’il accorde aux prisonniers. Dans d’autres églises, il est représenté en abbé, parce que, au Moyen Age, plusieurs écrivains, le regardant comme fondateur du monastère de Noblac, lui ont donné ce titre. — Dans l’église Saint-Pierre, à Limoges, il est représenté en diacre, tenant des ceps de la main droite, et de la main gauche un livre. Dans l’église de Saint-Michel, au même lieu, le Saint est représenté en moine, avec une barbe blanche. Couvert d’une double tunique semée d’ornements d’or, il tient de la main droite un bâton, et de l’autre un livre ouvert. A son bras gauche est suspendue une chaîne terminée par des ceps. Au-dessus de l’autel, des peintures murales rappellent des miracles de saint Léonard. Un captif à genoux lui fait hommage de ses chaînes, et une reine, accompagnée de son époux, le remercie de lui avoir obtenu sa délivrance et d’avoir sauvé son enfant. Etc…etc…

 

1. Toutefois, nous ne devons pas omettre qu’un manuscrit du XIVè siècle fait naître saint Léonard au château de Vandôme, dans l’Orléanais ; et les Bollandistes, dont l’autorité est grande en cette matière, enseignent que saint Léonard et saint Lifard, son frère, étaient originaires de ce château.
2. A Orléans, lorsqu’un nouvel évêque prenait possession de son siège, il avait le privilège d’accorder la liberté à tous les prisonniers auxquels les rois de France pourraient eux-mêmes faire grâce avec connaissance de cause. Ce privilège était en vigueur au XIè siècle.
3. On sait que les rois Mérovingiens s’immisçaient violemment dans la nomination des évêques. Thierry, Gontran, etc., disposaient des évêchés.
4. Aujourd’hui Saint-Mesmin, à deux lieues d’Orléans.
5. Cet oratoire s’appelait autrefois Notre-Dame-de-sous-les-Arbres.
6. Le Père Le Cointé, donnant une fausse interprétation à ce passage de la légende, a conjecturé que saint Léonard était prêtre (Annal. Eccles. Franc., ad an. 549) ; mais la tradition immémoriale, les documents et les monuments protestent contre cette assertion.
7. D’autres écrivains trouvent à ce mot une étymologie différente. Ils prétendent que ce lieu s’appelait Noblac, parce que les territoires que les rois donnaient alors aux églises et aux monastères, étaient assimilés aux terres nobles, et, à ce titre, exempts de subsides et d’impôts. Les rois de France, depuis Philippe 1er jusqu’à Louis XV, ont confirmé ce privilège, qui n’a été abrogé que quelques années avant la Révolution.
8. C’est là le plus ancien exemple que nous connaissons d’une colonie pénitentiaire, et c’est à saint Léonard qu’on doit attribuer l’initiative de ces pieux établissements.

Larges extraits tirés des ‘‘Petits Bollandistes’’ — Vies des Saints — Tome 13

 

 

 

 

 
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