Serge et Bacchus

Saints Serge et Bacchus étaient tous deux de noble naissance et vivaient sous l’empereur Maximien(1) qui leur avait confié, malgré leur jeune âge, de hautes charges dans la Schola Gentilium(2).

Un jour, alors que l’empereur avait ordonné un sacrifice public en l’honneur des dieux païens et comme signe de soumission à son autorité, les deux jeunes officiers furent les seuls à ne pas se présenter. Prenant ce geste comme un acte de révolte, l’empereur plein de colère les fit comparaître devant lui et leur demanda la raison de leur désobéissance. Ceux-ci répondirent: « Nous ne devons te servir comme de fidèles serviteurs que dans ton armée terrestre, ô empereur. Quant à nous séparer le moins du monde du seul vrai Dieu que nous adorons pour offrir un culte aux dieux inanimés, ni le fer ni le feu ne pourront jamais nous y contraindre. Car nous ne considérons rien de plus heureux que de souffrir pour la foi ».

Maximien ordonna qu’on les dépouille sur-le-champ des marques de leur dignité et qu’on les revêtit de vêtements féminins. Ainsi habillés et chargés de lourds anneaux de fer au cou, ils furent livrés à la risée publique et traînés par les rues. L’empereur ordonna ensuite de les conduire, de garnison en garnison, jusqu’à Barbalissos sur l’Euphrate (Balis, à 100 km d’Alep)(3) où se trouvait le gouverneur de l’Orient, Antiochus, homme particulièrement cruel et sans pitié.

Comparaissant devant lui, les saints jeunes gens ne furent intimidés ni par ses menaces ni par ses flatteries. On enferma Serge dans un cachot pendant que l’on soumettait Bacchus à la torture. Il fut si cruellement frappé à coups de nerfs de bœufs, qu’il en remit son âme à Dieu dans la joie de rejoindre l’armée des Anges et des Saints. Le lendemain, on fit comparaître Serge, dont la seule tristesse était de rester encore dans ce monde de vanité, alors que son Compagnon jouissait déjà de la béatitude.

Après avoir vainement essayé de le faire apostasier en lui rappelant sa puissance passée et en le menaçant des plus cruels supplices, Antiochus lui fit mettre des chaussures garnies de clous à l’intérieur et l’obligea à courir ainsi devant son char sur une distance de plus de 15 km, jusqu’au fort de Tetrapyrgia (aujourd’hui Qseyras-Sêlé). Elevé au-dessus de la souffrance du corps par la joie de participer à la Passion du Seigneur, le jeune homme courut avec allégresse en chantant des psaumes.

Pendant la nuit,un ange vint le guérir de ses plaies, si bien qu’il réapparut le lendemain devant le gouverneur, frais et dispos pour de nouveaux combats. Antiochus donna l’ordre de lui trancher la tête à l’étape suivante, Rosapha… dans le Royaume céleste. Les habitants du bourg de Sura, où Bacchus avait été martyrisé, voulurent enlever secrètement le corps de Serge, mais le martyr suscita un incendie pour les en empêcher. Les chrétiens de Rosapha accoururent sur les lieux, chassèrent les ravisseurs et mirent la sainte relique en sûreté. Par la suite, on construisit une église sur le tombeau de saint Serge, qui devint un des sanctuaires les plus vénérés de tout l’Orient (4), de sorte que l’endroit fut appelé Sergiopolis, et des fragments de ses saintes reliques furent diffusés dans tout le monde chrétien.

1. Il ne s’agit probablement pas de Maximien Hercule, dont la juridiction ne s’étendait pas en Orient, mais plutôt de Galère Maximien qui, avant d’engager sa grande campagne contre les Perses (vers 297), expurgea son armée de tous les éléments chtétiens. Il n’est pas exclu que ces deux saints aient été d’origine romaine, mais l’ensemble de leur histoire se déroule en Orient.
2. Les Scholae étaient des corps d’élites, constitués par Dioclétien, spécialement attachés à la personne de l’empereur et qui servaient aussi de corps de formation pour les officiers. Elles évoluèrent ensuite en garde de l’empereur et corps de parade.
3. Selon d’autres, à Arabissos (aujourd’hui Afçim), en Cappadoce.
4. De récentes fouilles archéologiques ont permis de découvrir les ruines de trois grandes basiliques sur le site de Rosapha, qui prit le nom de Sergiopolis à partir du VIème siècle, et qui resta un des plus fameux lieux de pèlerinage d’Orient, même sous l’occupation musulmane. Il fut détruit lors de l’invasion tatare au XIIIème siècle. Le crâne de saint Serge est vénéré à Simonos Petras et celui de saint Bacchus à Vatopédi, sur la Sainte Montagne.

Troparion t.4

Tes Martyrs, Seigneur, pour le combat qu’ils ont mené * ont reçu de toi, notre Dieu, la couronne d’immortalité ; * animés de ta force, ils ont terrassé les tyrans * et réduit à l’impuissance l’audace des démons ; * par leurs prières sauve nos âmes, ô Christ notre Dieu.

Troparion t.5

Purs joyaux parmi les athlètes victorieux, * pupilles de l'Eglise du Christ, * éclairez les yeux de nos âmes; * Serge aux-multiples-combats et très-illustre Bacchus, * intercédez auprès du Seigneur notre Dieu, * afin que nous échappions aux ténèbres du péché * et puissions, par vos prières, saints Martyrs, * communier à la lumière sans déclin.

Kondakion t.2

Ces nobles martyrs, ces frères dans la foi, * venez, couronnons-les de saintes acclamations, * Serge, le ferme champion de la sainte Trinité * et Bacchus qui souffrit avec lui les tourments; * ils chantent les louanges du Christ notre Dieu, * arbitre des combats et créateur de l'univers.