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21 mars
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Lucipin

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Jacques le Confesseur


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Lucipin, abbé de Lauconne dans le Jura

 

 

Saint Lucipin était frère cadet de saint Romain, abbé de Condat (cf. 28 fév.).

Jeune encore, il fut engagé dans les embarras du monde, dont le contact ne lui fit pourtant rien perdre de cette tendre piété qu’il avait pratiquée pendant son enfance. Dès que Dieu, en ravissant à ce fervent chrétien sa femme et son père, eut brisé ainsi une partie des liens qui le retenaient dans le siècle, Lucipin alla rejoindre son frère Romain dans les déserts du mont Jura.

L’enfer, jaloux de tout le bien que cette réunion allait procurer à la religion en donnant naissance à tant de maisons saintes, qui devaient devenir en Occident les rivales des Laures de la Thébaïde, mit tout en œuvre pour la détruire dès son principe. Si l’on en croit saint Grégoire de Tours (cf. 17 nov.), ce n’est pas seulement par des tentations intérieures que le démon attaqua les deux saints solitaires, mais il les molestait jour et nuit par mille mauvais traitements, à tel point que, lassés de ses poursuites, ils résolurent de quitter ces lieux et reprirent le chemin de leur pays.

Ils logèrent d’abord chez une pauvre femme qui s’informa d’où ils venaient et quel était leur dessein. Les deux frères ayant satisfait à ses demandes, elle leur représenta combien il serait honteux pour eux, de se laisser vaincre si lâchement par celui que des amis de Dieu avaient si souvent vaincu. La vérité qui parlait par le bouche de cette femme les fit rentrer en eux-mêmes. Ils reprirent courage, retournèrent dans leur désert, et, à force de prières, ils obtinrent de la miséricorde de Dieu, non seulement de persévérer dans la résolution qu’ils avaient formée de passer leur vie dans la solitude, mais encore d’être délivrés des assauts du démon.

Ils avaient établi leur demeure sous les branches épaisses d’un énorme sapin, au fond d’une gorge que dominent de hautes montagnes, et auprès d’une fontaine qu’on appelle aujourd’hui le Bugnon. Ce fut le berceau du monastère de Condat. C’est là que les pieux anachorètes reçurent leurs premiers disciples, et les initièrent à cette vie de renoncement, dont ils avaient les premiers, donné l’exemple dans la Séquanie (Franche-Comté).

Bientôt le nombre des moines rassemblés sous la conduite de Romain et de Lucipin augmenta tellement, qu’il fallut songer à construire un nouveau monastère, pour y envoyer une partie des religieux. Cette colonie, placée spécialement sous la conduite de Lucipin, s’établit, vers 445, à une lieue de Condat, dans une plaine assez fertile, appelée Lauconne, et où s’élève aujourd’hui le village de Saint-Lucipin.

Cette nouvelle maison, fondée sur le modèle du monastère principal, en adopta les règles et les usages. On y éleva un oratoire; on y construisit des cellules isolées pour chaque moine, et les religieux y partagèrent leur temps entre le travail et la prière. Les moines de Condat et de Lauconne se proposaient surtout d’imiter la vie des saints anachorètes de l’Orient. Ils lisaient tous les jours les règles de saint Pacôme, de saint Basile, des moines de Lérins, de Cassien, et trouvaient leurs modèles dans les Vies des Pères du désert.

L’austérité de Lucipin, tempérée par la direction paternelle de son frère, maintenait la discipline parmi les religieux. Jusqu’à saint Oyend, quatrième abbé de Condat, il n’y eut pas de règle spécialement rédigée pour ce monastère. L’exemple de Lucipin était la meilleure des règles.

Surtout sévère envers lui-même, il ne semblait s’inspirer que de l’austérité la plus rigide. Toujours il fut vêtu d’une tunique de poil fort incommode, et d’autant plus propre à le maintenir dans des sentiments d’humilité, qu’elle était composée de peaux de diverses bêtes, mal apprêtées et grossièrement cousues. Son capuce pouvait tout au plus le garantir de la pluie, mais non pas du froid qui était rigoureux à Lauconne. Il portait des sabots dans son monastère, et ne prenait des souliers que lorsqu’il fallait sortir pour le service du prochain. Il n’avait point de lit. Lorsque tous les religieux étaient couchés, il entrait dans la chapelle, où il passait une partie de la nuit en méditation. Quand il se sentait abattu par la fatigue, il prenait un peu de repos sur un banc. Dans le fort de l’hiver, il présentait au feu une longue écorce d’arbre faite en forme de berceau, et lorsqu’elle était un peu échauffée, il s’y couchait, seulement couvert de ses habits.

Quoique plusieurs écrivains aient remarqué que les Gaulois ne fussent pas d’une complexion, telle qu’ils puissent jeûner aussi rigoureusement que les religieux de l’Orient, Lucipin ne se lassa pas d’aller encore plus loin que la plupart d’entre eux, par l’austérité de ses abstinences et la longueur de ses veilles. Ordinairement il ne prenait de nourriture que tous les trois jours. Il ne but jamais de vin depuis qu’il eut quitté le monde; il s’abstint même d’eau les huit dernières années de sa vie. Quand la soif le prenait, il en éteignait peu à peu les ardeurs en trempant les mains dans un bassin d’eau, sans prendre d’autre rafraîchissement. Jamais, dans ses maladies, il ne souffrit qu’on mêlât à son potage de l’huile ou du lait, bien que l’usage en fut permis dans son monastère, aux infirmes près de mourir, en proie aux accès d’une fièvre ardente. S’étant aperçu qu’on lui administrait de l’eau dans laquelle on avait mis un peu de miel, il refusa ce breuvage.

Avec un tel esprit d’abnégation, Lucipin était préparé à tous les sacrifices. Dieu lui en imposa cependant un bien pénible pour son cœur, et plus dur que toutes les pénitences corporelles. Vers l’an 460, son frère Romain mourut entre ses bras, au monastère de la Balme, dont leur sœur Iole était abbesse. Dès lors, Lucipin eut à supporter seul la lourde tâche de diriger toutes les communautés du Jura. Il resta à Lauconne, où étaient alors réunis cent cinquante moines, et mit, quelque temps après, saint Minase ou Minause à la tête de Condat, pour administrer ce monastère sous sa direction.

Lucipin gouvernait ses religieux avec autant de zèle que de prudence. Sévère à l’égard des hommes orgueilleux et opiniâtres, il savait au besoin allier la douceur à l’austérité du caractère, et se montrer indulgent pour les fautes qui attestaient plus de faiblesse que de malice.

Dans l’année qui suivit la mort de saint Romain, deux frères ayant formé le dessein de fuir ensemble du monastère, se donnèrent rendez-vous pour la nuit à l’église, afin d’y prier encore avant de partir. Ils s’y rendirent en effet au milieu des ténèbres, et quand ils eurent prié un instant: « Pour vous », dit alors l’un d’eux, « emportez d’ici mon sarcloir et ma hache, tandis que j’irai tout doucement dans votre cellule prendre votre saie et votre coule, et, après avoir ainsi emporté tout ce qui nous appartient, nous nous retrouverons dans le lieu convenu ». Les ténèbres étaient profondes et les deux religieux se croyaient seuls. Mais Lucipin se trouvait à l’église, méditant et priant dans le silence de la nuit, comme il le faisait souvent, et il avait tout entendu. Lorsqu’il vit que les deux frères avaient tout préparé pour leur départ, et qu’ils allaient mettre le pied hors du monastère, il s’écria du coin de l’église où il s’était retiré: « Mes chers enfants, puisque vous êtes venus prier avec moi avant de partir, vous ne me refuserez pas le baiser de paix au moment de me quitter ». A ces paroles inattendues, les deux malheureux frères tombèrent frappés de stupeur. Ils versent des larmes, et leurs soupirs attestent qu’ils sentent vivement les remords de leur conscience. Lucipin vient à eux, les appelle par leur nom, et, étendant la main sur eux, les embrasse avec une bonté qui achevait de les gagner. Il ne leur adresse aucun reproche, mais, sans rien leur dire de plus, il se met à genoux avec eux et continue à prier. La grâce divine fit le reste. Les deux moines, touchés d’un vif sentiment de repentir, firent de nombreux signes de croix sur leurs yeux et sur leur poitrine, et, après avoir prié un instant, ils s’en retournèrent chacun à son lit, pleins de honte et de frayeur. Ils étaient si tremblants, que, dans leur trajet, ils ne se dirent pas un mot de ce qui venait de se passer. Cependant, la confusion qu’ils avaient éprouvée et la bienveillance que leur avait témoignée Lucipin, leur faisaient espérer qu’ils obtiendraient de lui le pardon de leur faute.

Ce récit témoigne assez de la douceur que Lucipin savait employer à propos. Mais ce qui atteste aussi sa discrétion, c’est que, pendant près de vingt ans, le saint abbé ne parla jamais à personne de cette aventure. Un de ces deux frères étant mort, Lucipin réunit alors la communauté, et crut pouvoir raconter cette histoire en présence de celui des deux moines qui vivait encore. Il en tira d’utiles leçons pour la consolation et l’édification de tous. « Voyez », leur disait-il, « mes chers enfants, quelles ruses et quels artifices le démon emploie pour vaincre les amis du Christ. Mais si Dieu a permis que ses serviteurs fussent tentés un moment, c’était pour faire éclater sur eux ses miséricordes, car Il leur a tendu la main lorsqu’ils chancelaient, et Il n’a pas souffert qu’ils devinssent la proie de l’antique serpent ».

La vie qu’on menait à Condat et à Lauconne était une vie de sacrifices. Aussi il arrivait assez souvent, comme nous l’avons vu, que des moines, même d’entre les meilleurs et les plus éprouvés, se lassaient de ce genre de vie et cédaient au désir de chercher ailleurs plus d’aises et de liberté.

Quelques mois après l’aventure que nous venons de raconter, un des plus vertueux frères, nommé Dativus, se laissa séduire par les ruses du démon. C’était un homme d’une grande douceur, d’une profonde humilité, d’une admirable obéissance. Dieu l’avait prévenu des grâces les plus abondantes. Mais il eut le malheur de ne pas s’armer du bouclier de la prière pour repousser les artifices de l’esprit des ténèbres. Il admira ses propres vertus, s’enorgueillit de son humilité, et perdit peu à peu l’esprit de prudence et de discernement. Il eut un jour une dispute avec quelques autres religieux. Le débat s’envenima insensiblement. Ses contradicteurs irritèrent son amour-propre, tandis que d’autres frères, prenant son parti, et l’excitant en particulier par des rapports insidieux, le poussèrent enfin à quitter le monastère. Dativus fit un paquet de ses bardes, et sortit secrètement afin de n’être retenu par personne. Puis il se dirigea en toute hâte vers la ville de Tours, et se rendit aussitôt à la basilique de Saint-Martin, pour y faire sa prière. Mais il ne fut pas plus tôt entré dans l’église, qu’un énergumène courut à lui en l’appelant de son nom: « Ah voilà notre moine du Jura ! Salut, notre cher Dativus. C’est bien, puisque vous êtes maintenant des nôtres. Il ne faut que continuer ». Dativus, tremblant de se voir ainsi reconnu et se croyant joué par le démon, se mit à pousser de profonds soupirs. Après avoir prié quelques instants, il se hâta de reprendre le chemin de son monastère, où il demanda avec insistance à être reçu de nouveau.

Pendant quelque temps, ce moine, devenu plus attentif à veiller sur ses sentiments et ses démarches, vécut d’une manière édifiante et régulière. Mais au bout de deux ans il se laissa encore séduire, comme la première fois, par les inspirations de l’orgueil, et il prit sa saie et ses instruments de travail pour sortir, aux yeux de toute la communauté. Saint Lucipin, le regardant comme perdu s’il partait une seconde fois, se mit à verser des larmes amères sur cette brebis égarée, et à prier pour sa conversion. Cependant Dativus, ayant chargé son bagage sur ses épaules, demeura d’abord une demi-heure, tout interdit, dans la cour du monastère. Puis, jetant son fardeau dans le vestibule et adressant ces paroles ironiques au démon de l’orgueil, qui le tentait: « Allons », dit-il, « toi qui me conseilles de fuir, porte toi-même ce fardeau, si tu veux que je te suive ». Aussitôt les vaines imaginations de Dativus disparurent de son esprit. Il embrassa avec joie tous les frères qui avaient été témoins de sa tentation, et resta dès lors fidèle aux devoirs d’un bon religieux.

Heureusement pour les monastères de Condat et de Lauconne, ces épreuves et ces tentations, qui s’étaient produites quelquefois parmi les moines, ne troublaient pas gravement la communauté, et n’empêchaient pas la paix et la charité d’y régner habituellement. Lucipin, qui veillait à tout, pourvoyait avec sollicitude aux besoins temporels du cloître. Quelquefois les récoltes que fournissait un sol ingrat et stérile ne suffisaient pas à la nourriture des moines et des religieuses qu’il avait à gouverner. Alors, comme un nouveau Moïse, le saint abbé se prosternait humblement devant le Seigneur, et implorait avec confiance la miséricorde du bon Maître, qui a promis de donner à ses serviteurs leur pain de tous les jours. Son espérance n’était point confondue, et Dieu multipliait les miracles pour venir au secours de ses élus. Ainsi, une année que la communauté était fort nombreuse et qu’une multitude de séculiers étaient venus chercher un asile au monastère, les ressources alimentaires y furent épuisées en peu de temps, et la faim commença à s’y faire sentir. L’économe voyait avec effroi qu’il n’y avait plus de vivres que pour quinze jours, tandis que la moisson était encore éloignée de trois mois. Il prit donc avec lui cinq religieux des plus anciens, alla trouver Lucipin, et lui avoua, les larmes aux yeux, que la communauté était exposée à mourir bientôt de disette. Le saint abbé, plein de confiance inébranlable, éleva aussitôt sa pensée vers Celui qui est le pain vivant descendu du ciel, et s’écria: « Venez, mes chers enfants, entrons dans le grenier où nous avons encore quelques gerbes, et prions avec foi. N’avons-nous pas, nous aussi, abandonné les villes pour suivre le Seigneur et écouter Sa Parole dans le désert ? ». Il entre donc dans le grenier, se prosterne la face contre terre, et prie avec ferveur Celui qui a dit dans l’Evangile: « Personne ne quittera sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou ses enfants, ou ses biens, que, même dans ce siècle, il ne recouvre le centuple » (Mc. 10, 29-30). Puis le saint abbé se relève, étend les mains en élevant des regards suppliants vers le ciel, et, dans l’entraînement et l’ardeur de sa foi, adresse au Seigneur cette fervente prière: « Dieu Tout-Puissant, vous qui, par la bouche de votre serviteur Elie, avez promis autrefois à une pauvre veuve que la farine et l’huile de ses vases ne diminueraient point jusqu’au jour où la pluie du ciel retomberait sur la terre (1 Ro. 17, 12-15), jetez les yeux sur votre Eglise, qui est placée désormais sous la protection de votre Fils Jésus Christ, son éternel Epoux; et, comme vous nous avez donné le pain de la Parole divine, accordez-nous encore le pain matériel; faites que, jusqu’au jour où nous pourrons obtenir des récoltes nouvelles, le blé ne cesse d’abonder dans le grenier de vos serviteurs ».

Tous les frères qui étaient présents répondirent: « Amen ». Alors, Lucipin se tournant vers l’économe: « Faites battre, » lui dit-il, « ces gerbes que le Seigneur à bénies. Car Dieu écoute les prières que la foi inspire, et c’est de nous aussi qu’Il a dit ces paroles: « Ils mangeront, et il y aura encore des aliments de reste » (Mc. 6,42). Dieu récompensa miraculeusement la confiance de son serviteur. On battit les gerbes sans pouvoir les épuiser, et, jusqu’au temps de la moisson, elles fournirent du grain en abondance pour les besoins des religieux et des étrangers. Au nombre des témoins de ce miracle se trouvait saint Oyend (cf. 1erjanv.), alors novice, et qui devint plus tard abbé de Condat. C’est de lui et de plusieurs anciens moines qui avaient participé aux fruits de cette bénédiction miraculeuse, que l’historien de Condat apprit tous les détails de ce miracle.

Un tel prodige accordé à la foi de Lucipin attestait assez que le ciel approuvait sa conduite et voulait bénir son gouvernement. C’est qu’en effet chez lui, la sévérité qui châtie n’était jamais séparée de la charité qui guérit et qui console. Les besoins de ses moines le touchaient plus que les siens propres, et il prenait un soin merveilleux de tous ceux qui souffraient. En s’appliquant à maintenir parmi eux une discipline austère, à leur interdire non seulement toute action, mais encore toute parole déréglée, il veillait aussi à les éloigner des modifications excessives, et leur apprenait que la voie de la discrétion est la plus sûre et la plus chrétienne.

L’époque où saint Lucipin vivait à Lauconne, fut une époque de grands bouleversements pour son pays. Après avoir passé, vers l’an 412, de la domination des Romains, sous celle des Bourguignons, il respirait à peine, protégé par le spectre des princes de cette nation. Des haines envenimées avaient pris naissance au sein des divisions politiques, et le parti vaincu fournit longtemps des victimes à la police ombrageuses du parti vainqueur. C’est dans ces circonstances critiques qu’apparaît dans toute sa charité le prêtre du Christ, qui ne voit que des frères dans tous les hommes, sans demander s’ils sont du parti de Paul, d’Apollo ou de Céphas.

Saint Lucipin, guidé par l’amour de son prochain, fit souvent le voyage de Genève, où Chilpéric, roi de Bourgogne, père de sainte Clotilde (cf. 3 juin), faisait quelquefois sa résidence. Il obtint fréquemment de ce prince, sa miséricorde ou sa justice en faveur de malheureux, compromis ou opprimés pour des faits politiques. Son ascendant devint si grand à cette cour, qu’il fit rendre la liberté à de nombreux habitants de nos contrées que certains seigneurs, en vertu on ne sait de quel droit, revendiquaient comme leurs serfs. Qu’on n’accuse donc pas les prêtres d’être les ennemis de la liberté, ils en sont le plus ferme appui, puisqu’ils sont ministres de Jésus Christ dont l’œuvre a été de détruire l’esclavage.

Chilpéric prit notre Saint en singulière affection, lui fit des présents magnifiques pour les églises de ses monastères, et lui offrit des terres considérables pour l’entretien des moines. Lucipin les refusa, craignant que ces possessions ne portassent atteinte à l’esprit de pauvreté dans lequel il voulait maintenir ses communautés. Seulement, il pria le roi de leur assigner plutôt une certaine quantité de fruits chaque année pour leur subsistance. Le prince lui accorda ce qu’il souhaitait, et fit fournir tous les ans au monastère de Lauconne, 300 boisseaux de blé et autant de mesures de vin pour la nourriture des religieux, et cent pièces d’or pour leur acheter des vêtements. Cette abbaye jouissait encore de cette rente longtemps après que les rois de France, descendants de Clovis, se furent rendus maîtres du royaume de Bourgogne.

Saint Lucipin survécut près de vingt ans à son frère, il prit soin de l’abbaye de Condat après la mort de saint Romain, et garda la direction de tous les monastères qu’ils avaient fondés dans les Vosges et en Allemagne.

La longue vie qu’il mena jusqu’au delà de quatre-vingts ans, on peut dire sous les coups d’une sévère discipline, fut regardée comme le plus grand des miracles que Dieu ait opérés en sa faveur. Il mourut vers l’an 480, à l’époque de la naissance de saint Benoît de Nursie (cf. 14 mars).

La régularité qu’il avait établie avec son frère, dans les monastères de leur institution, se conserva longtemps dans toute sa pureté à Condat et à Lauconne, qui était le lieu particulier de sa retraite, où il fut enterré, et où il avait laissé en mourant, cent cinquante religieux, tous imitateurs de la vertu sévère de leur maître.

Usuard et ceux qui l’ont suivi, ont presque tous marqué le jour de la fête de saint Lucipin au 21 mars, dans leur Martyrologe. Les Bénédictins l’honorent avec saint Romain et saint Oyend, comme saints de leur Ordre, parce que les monastères du Jura embrassèrent dans la suite, la règle de saint Benoît.

La paroisse de Saint-Lucipin a conservé jusqu’à ce jour, un culte filial pour celui qui fut son véritable fondateur. Jusqu’en 1193, on y célébrait solennellement, le 21 mars, la fête du saint abbé, et le 5 juillet, l’invention de ses reliques. Sur la demande du curé de cette paroisse, ces fêtes ont été transférées depuis, au troisième dimanche de mars et au premier dimanche de juillet. Celle de juillet est la seule qui se célèbre aujourd’hui solennellement à Saint-Lucipin. Ce jour-là, les reliques sont descendues sur l’autel et restent pendant huit jours exposées dans l’église à la vénération des fidèles. Besançon et Saint-Claude font son office le 21 mai.

Lauconne ne subsista guère plus de cent cinquante ans comme abbaye, et fut réduit en prieuré et soumis au monastère de Condat. Les reliques du saint abbé ont toujours été conservées avec soin dans l’église du bourg qui se forma près de Lauconne et qui porte aujourd’hui le nom de Saint-Lucipin. La châsse en bois doré qui les renferme est placée sous le maître-autel de l’église paroissiale, elle porte cette inscription: ’’Reliques de saint Lucipin, 1689’’. Cette date est celle de leur invention.

Avant la révolution de 1790, le 6 juin, jour de la fête de saint Claude, le clergé de Saint-Lucipin, suivi d’un grand concours de peuple, apportait processionnellement la relique du saint abbé dans l’église du chapitre, et après une Liturgie chantée en grande solennité, elle était reportée avec pompe au bourg Saint-Lucipin, accompagnée jusqu’à une certaine distance par le clergé et par la population de Saint-Claude. Cette cérémonie, qui doit son origine à un vœu que fit le village de Saint-Lucipin, en 1638, lorsqu’une contagion affreuse ravageait ces contrées, s’observe encore à présent, avec cette différence que la relique de saint Claude sort de la cathédrale et accompagne celle de saint Lucipin jusqu’au-dehors de la ville.

 

 

 

Tiré de saint Grégoire de Tours, de Vita Patr.
Tiré de: Les Petits Bollandistes ; Vies des saints, tome 3

 

 

 
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